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Forêts, Louis-René des: Il n’est que temps

Portre of Forêts, Louis-René des

Il n’est que temps (French)

Il n’est que temps de remonter au soleil,

Le feu de son alcool purifie l’air

On le boit à longs traits pour oublier celle

Revenue la nuit déchirer le coeur

Dire adieu de sa main enfantine,

Une chandelle parfois tenue en l’air

Qu’elle souffle comme à regret

Mais sans s’attarder davantage

Ni qu’on la voie disparaître.

 

C’est elle encore souriant debout

Parmi les asters et les roses

Dans la pleine lumière de sa grâce

Fière comme elle fut toujours

Elle ne se fait voir qu’en rêve

Trop belle pour endormir la douleur

Avec tant de faux retours

Qui attestent son absence.

 

Non, elle est là et bien là,

Qu’importe si le sommeil nous abuse

Il faut se brûler les yeux,

Endurer cette douce souffrance,

Ébranler, perdre même la raison,

Détruire ce qui viendrait à détruire

L’apparition merveilleuse

Accueillie comme on tremble

A la vue d’un visage saisi par la mort

Dans le dernier éclat de sa fleur.

 

Elle est là pour veiller sur nous

Qui ne dormons que pour la voir

Quand par honte, par peur de nos larmes

Nous ne songeons le jour qu’à fuir dehors

Non sans guetter là aussi son retour

Et c’est en quête d’un mauvais refuge

Nous abrutir sous le soleil qui brûle.

 

Ce que le coeur reconnaît, la raison le nie.

Un rêve, mais est-il rien de plus réel qu’un rêve ?

Faut-il se résigner à vivre sans rêver

Que l’enfant aimantée vers ses lieux familiers

Vient dans ce jardin de roses, et chaque nuit

Revient emplir la chambre de sa flamme candide

Qu’elle nous tend comme une offrande et une prière ?

 

Ces visions n’étaient qu’une erreur de l’oubli,

Leur charme sèchement rompu nous enseigne que

Revendiquer son bien n’est pas l’avoir.

Fini donc, fini ce leurre entretenu

Elle n’est pas où nous croyions la voir

Ni là où nous ne serons pas davantage.

Muets tout au fond de la terre

Qui, sauf à se donner le change,

Pourrait désormais nous entendre

Comme au temps des amours heureuses

Où nous étions de vivantes personnes

A l’écoute du moindre aveu sur nos lèvres

Mais libres de parler ou de se taire ?

 

Feindre d’ignorer les lois de la nature,

Réincarner en songe la forme abolie,

Prêter au mirage les vertus d’un miracle

Est-ce pour autant faire échec à la mort ?

Tout au plus douter, qu’elle nous sépare,

Que soit un fait le fait de n’être nulle part.

 

Irréparable cassure. Prenons-en acte.

Nous voilà désolés la vie durant,

Notre mémoire ouverte comme une blessure,

C’est en elle que nous la verrons encore

Mais captive de son image, mais recluse

Dans cette obscurité dévorante

Où, pour lier son infortune à la nôtre,

Nous rêvions d’aller nous perdre ensemble

Toute amarre tranchée, et joyeux peut-être

Si le pas eût été moins dur à franchir,

Ne faire qu’un avec elle dans la mort

Choisie comme la forme parfaite du silence.

 

A s’unir au rien, le rien n’engendre rien.

S’il faut vivre éveillé aux choses vivantes,

Craignons plutôt que le chagrin ne s’apaise

De même que vient à faiblir la mémoire

Cesser de souffrir en cessant de la voir

Nous rejoindre la nuit favorable aux rencontres

Serait comme laisser le coeur s’appauvrir

Par deux fois dévasté, et désert.



Uploaded byP. T.
Source of the quotationhttp://irc.sunchat.hu/vers/

It Is High Time (English)

It is high time to go back to the sun,

The fire of its alcohol purifies the air

We drink it down lustily in order to forget

The one who came in the night to tear open our heart

And to bid us farewell with her child’s hand,

A candle sometimes held in the air

Which she blows out regretfully

But without tarrying further

And without our seeing her disappear.

 

She is also the one we see smiling, standing

Amid the roses and the aster

In the full light of her gracefulness

Proud as she always was

She only lets herself be seen in dreams,

Too beautiful to let sorrow sleep

With so many false returnings

Which only bear witness to her absence.

 

No, she is there, really there,

What matter if sleep beguiles us,

We must burn out our eyes,

Endure the sweet suffering,

Shake, lose, even, our reason,

Destroy anything that would come to destroy

The wonderful vision

Welcomed as one trembles

At the sight of a face seized by death

In the final splendour of its flowering.

 

She is there to keep watch over us,

Who only sleep to catch sight of her,

When through shame, through fear of our tears,

We flee outdoors at daytime,

Though there too we wait for her return,

And seek illicit refuge

In the bright sun’s stultifying blaze.

 

What the heart recognizes, reason denies.

A dream, but is anything more real than a dream?

Must we learn to live without dreaming

That the child, drawn toward the places she knew,

Comes into the rose garden, and nightly

Fills our bedroom with her pure flame

Which she brings toward us like an offering and a prayer?

 

These visions were only the delusions of forgetfulness,

Their charm, brutally broken, teaches us

That what we long for we do not have.

Finished, then, finished the illusion we maintained

She is not where we thought we saw her

Nor where we also will never be.

Silent in the depths of the ground

Who, except through willing deception,

Will ever hear us then

As in the time of our happy loves

When we were living people

Attentive to the slightest avowal on our lips

But free to speak or be still?

 

Pretending to ignore the laws of nature,

Resurrecting in dream the obliterated form,

Giving to illusion the virtues of a miracle,

Does any of this make death less triumphant?

At the very most, let us doubt that death can separate,

Or that the fact of being nowhere is a fact.

 

Irreparable break: let us take full measure of it.

Here we will be in sorrow our whole life through,

Our memories open like a wound,

It is here that we will find her once more

But a prisoner of her image, a recluse

In that all-consuming darkness

In which, to bind her misfortune to our own,

We dreamed of losing ourselves together,

The cables cut, and full of joy perhaps,

Had the step been less hard to take:

One with her in death,

Chosen as the perfect form of silence.

 

Coupling with nothing, nothing engenders nothing.

If we must live awake to living things,

Let us rather fear that our sorrow subside

As memories weaken and grow dull.

To suffer no more, seeing her no more

On those nights that welcomed her returning

Would be to let the heart grow poor,

Twice devastated, and alone.

 



Uploaded byP. T.
Source of the quotationhttp://www.scribd.com

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