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Le Brun, Annie: Festivals (Des fêtes in English)

Portre of Le Brun, Annie

Des fêtes (French)

Mes dents ont arraché des cubes de rire, des sorties d’école de rire, des bouteilles de rire, des camions de rire, des parallélépipèdes de rire, des ascenseurs de rire, des caisses de rire, des cônes de rire, des meules de rire, des valises de rire, des coques de rire, des volières de rire, des boîtes de rire, des boules de rire, voilà ce que mes dents ont arraché à la ficelle blanche du désespoir.

On ne rit d’ailleurs que pour manger le morceau d’espace qui nous manque.

Sous des fondrières gonflées de joie menaçante, les pieds des nomades déchirent le papier de la marche, leurs cils lacèrent la cellophane de la vue, les clous de leur attention crèvent le tympan paraffiné des paroles. Les mots ne s’envoleront plus; ils sont empalés sur place.

Dans ces conditions, le feu au carton des caresses et les pièces du corps détachées, détachables, glissant à califourchon sur les méridiens des instants fuyards. Vos yeux s’éloignent à l’heure où les seins vont boire. Je cours sur la place déserte de votre dos, mes os s’en vont en ricochets sur le miroir de vos muscles. Debout et nus, parviendrons-nous à essayer jusqu’à l’épuisement les robes vertes, sourdes, salées, les chapeaux terrifiants, mauves, gluants, victorieux, les gants jaunes, matinaux, bleu-canard, sanglants, les cravates neigeuses, sinistres, oranges, grises, minuscules, bien frappées, les pantalons indigo, glacés, lilas, galvaudés, sous les pelisses précieuses, blanches, tumescentes, sombres, souveraines de notre complicité qui fait trembler d’inutilité première les agiles muqueuses des mains?

Les seules fêtes sont souterraines comme le désespoir. On y joue à traquer la balle folle de ce qui est et de ce qui n’est pas.

Les seules fêtes sont hasardeuses comme le désespoir. Effacent-elles totalement l’histoire des grandes famines qui les ont précédées ?

Les seules fêtes sont fatales comme le désespoir. Elles assoiffent de vide ; mieux, elles sont un appel du vide.

Les seules fêtes sont évasives comme le désespoir. Elles flottent un court instant au-dessus du toboggan des veines.

L’avenir ne partira pas en voyage.

Les fêtes comme le désespoir le mettent à mort. Car les fêtes vont aussi vite que le désespoir.



Uploaded byP. T.
Source of the quotationhttp://www.scribd.com

Festivals (English)

My teeth have ripped out cubes of laughter, school-leavings of laughter, bottles of laughter, trucks of laughter, parallapipeds of laughter, elevators of laughter, crates of laughter, cones of laughter, millstones of laughter, suitcases of laughter, eggshells of laughter, aviaries of laughter, boxes of laughter, bowling balls of laughter, that’s what my teeth have ripped from the white thread of despair.

Besides we only laugh to eat the bit of space we lack.

Under quagmires swollen with menacing joy, the nomads’ feet tear up the paper of the walk, their eyelashes lacerate the cellophane of vision, the nails of their attention split the parafin tympanum of speech. Words will no longer fly off: they are impaled in their place.

In these conditions, the fire in the cardboard of caresses and the detachable, detached body pieces mount astride the noons of the fleeing instants. Your eyes take their distance at the moment when the breasts go to drink. I run along the deserted domain of your back, my bones make ricochets on the mirror of your muscles. Standing naked, shall we try on until we are exhausted those green, deaf, and soiled dresses, those terrifying, mauve, sticky, and victorious hats, those yellow, matinal, canary-blue, and bloody gloves, those snowy, sinister, orange, and tiny, grey, well-tailored ties, under the precious, white, tumescent, somber and sovereign coverings of our complicity that make the agile mucous membranes of the hands tremble from a primary uselessness?

The only festivals are subterranean like despair. People play at tracing the crazed ball of what is and is not.

The only festivals are chancy like despair. Will they totally efface the story of the great famines which preceded them?

The only festivals are fatal like despair. They are thirsty with emptiness; better, they are a summons to emptiness.

The only festivals are elusive like despair. They float for a brief instant above the toboggan of veins.

The future will not leave for a trip.

Festivals, like despair, put it to death. For festivals go as quickly.



Uploaded byP. T.
Source of the quotationhttp://www.scribd.com

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