Miron, Gaston: La Marche à l’amour (extraits)
La Marche à l’amour (extraits) (French)Tu as les yeux pers des champs de rosées tu as des yeux d’aventure et d’années-lumière la douceur du fond des brises au mois de mai
. . .
tu viendras tout ensoleillée d’existence la bouche envahie par la fraîcheur des herbes le corps mûri par les jardins oubliés où tes seins sont devenus des envoûtements tu te lèves, tu es l’aube dans mes bras où tu changes comme les saisons je te prendrai marcheur d’un pays d’haleine à bout de misères et à bout de démesures je veux te faire aimer la vie notre vie
. . .
puis les années m’emportent sens dessus dessous je m’en vais en délabre au bout de mon rouleau des voix murmurent les récits de ton domaine à part moi je me parle que vais-je devenir dans ma force fracassée ma force noire du bout de mes montagnes pour te voir à jamais je déporte mon regard je me tiens aux écoutes des sirènes dans la longue nuit effilée du clocher de Saint-Jacques et parmi ces bouts de temps qui halètent me voici de nouveau campé dans ta légende tes grands yeux qui voient beaucoup de cortèges les chevaux de bois de tes rires tes yeux de paille et d’or seront toujours au fond de mon coeur et ils traverseront les siècles
je marche à toi, je titube à toi, je meurs de toi lentement je m’affale de tout mon long dans l’âme je marche à toi, je titube à toi, je bois à la gourde vide du sens de la vie à ces pas semés dans les rues sans nord ni sud à ces taloches de vent sans queue et sans tête je n’ai plus de visage pour l’amour je n’ai plus de visage pour rien de rien parfois je m’asseois par pitié de moi j’ouvre mes bras à la croix des sommeils mon corps est un dernier réseau de tics amoureux avec à mes doigts les ficelles des souvenirs perdus je n’attends pas à demain je t’attends je n’attends pas la fin du monde je t’attends dégagé de la fausse auréole de ma vie
|
The Walk toward Love (English)Your eyes are the grey of fields of dew of adventure and light years the sweetness back of the breezes in May
. . .
you will come all sunstruck with existing your mouth invaded by the coolness of grass your body ripened by the forgotten gardens where your breasts work their magic spells you arise, you are dawn in my arms where you change like the seasons walking in a country of breath I’ll take you at the end of miseries at the end of excesses I want to make you love life our life
. . .
then the years will take me upside down I go off disheveled at my wit’s end voices murmur the tales of your realm I speak to myself as an aside what shall I become in my shattered strength my dark strength of my mountains’ end to see you forever I transport my gaze I keep listening to sirens in the long narrow night of the Saint Jacques tower and among these painting ends of time here I remain again in your legend your great eyes upon many processions the wooden horses of your laughter your eyes of straw and gold will remain forever in the depths of my heart and they will traverse the ages I walk to you, I stagger to you, I die from you, slowly I collapse completely in my soul
I walk to you, I stagger to you, I drink from the empty gourd of the meaning of life to these steps sown in the streets without north or south to these gusts of wind without tail or head I have no more face for love no face for anything anything sometimes I sit down with pity for myself I open my arms to the cross of sleep my body is a last net of loving twitches the thread of lost memories in my fingers I don’t wait for tomorrow I wait for you I’m not waiting for the world to end I’m waiting for you disengaged from the false halo of my life
|