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Rolland, Romain: Vie de Tolstoï (détail)

Portre of Rolland, Romain

Vie de Tolstoï (détail) (French)

PRÉFACE

 

La grande âme de Russie, dont la flamme s'allumait, il y a cent ans, sur la terre, a été, pour ceux de ma génération, la lumière la plus pure qui ait éclairé leur jeunesse. Dans le crépuscule aux lourdes ombres du XIXe siècle finissant, elle fut l'étoile consolatrice, dont le regard attirait, apaisait nos âmes d'adolescents. Parmi tous ceux—ils sont nombreux en France—pour qui Tolstoï fut bien plus qu'un artiste aimé, un ami, le meilleur, et, pour beaucoup, le seul ami véritable dans tout l'art européen,—j'ai voulu apporter à cette mémoire sacrée mon tribut de reconnaissance et d'amour.

Les jours où j'appris à le connaître ne s'effaceront point de ma pensée. C'était en 1886. Après quelques années de germination muette, les fleurs merveilleuses de l'art russe venaient de surgir de la terre de France. Les traductions de Tolstoï et de Dostoïevski paraissaient dans toutes les maisons d'éditions à la fois, avec une hâte fiévreuse. De 1885 à 1887 furent publiés à Paris Guerre et Paix, Anna Karénine, Enfance et Adolescence, Polikouchka, la Mort d'Ivan Iliitch, les nouvelles du Caucase et les contes populaires. En quelques mois, en quelques semaines, se découvrait à nos yeux l'œuvre de toute une grande vie, où se reflétait un peuple, un monde nouveau.

Je venais d'entrer à l'École Normale. Nous étions, mes camarades et moi, bien différents les uns des autres. Dans notre petit groupe, où se trouvaient réunis des esprits réalistes et ironiques comme le philosophe Georges Dumas, des poètes tout brûlants de passion pour la Renaissance italienne comme Suarès, des fidèles de la tradition classique, des Stendhaliens et des Wagnériens, des athées et des mystiques, il s'élevait bien des discussions, il y avait bien des désaccords; mais pendant quelques mois, l'amour de Tolstoï nous réunit presque tous. Chacun l'aimait pour des raisons différentes: car chacun s'y retrouvait soi-même; et pour tous c'était une révélation de la vie, une porte qui s'ouvrait sur l'immense univers. Autour de nous, dans nos familles, dans nos provinces, la grande voix venue des confins de l'Europe éveillait les mêmes sympathies, parfois inattendues. Une fois, j'entendis des bourgeois de mon Nivernais, qui ne s'intéressaient point à l'art et ne lisaient presque rien, parler de la Mort d'Ivan Iliitch avec une émotion concentrée.

J'ai lu chez d'éminents critiques cette thèse que Tolstoï devait le meilleur de sa pensée à nos écrivains romantiques: à George Sand, à Victor Hugo. Sans discuter l'invraisemblance qu'il y aurait à parler d'une influence de George Sand sur Tolstoï, qui ne la pouvait souffrir, et sans nier l'influence beaucoup plus réelle qu'ont exercée sur lui J.-J. Rousseau et Stendhal, c'est bien mal se douter de la grandeur de Tolstoï et de la puissance de sa fascination sur nous que de l'attribuer à ses idées. Le cercle d'idées dans lequel se meut l'art est des plus limités. Sa force n'est pas en elles, mais dans l'expression qu'il leur donne, dans l'accent personnel, dans l'empreinte de l'artiste, dans l'odeur de sa vie.

Que les idées de Tolstoï fussent ou non empruntées—nous le verrons par la suite—jamais voix pareille à la sienne n'avait encore retenti en Europe. Comment expliquer autrement le frémissement d'émotion que nous éprouvions alors à entendre cette musique de l'âme, que nous attendions depuis si longtemps et dont nous avions besoin? La mode n'était pour rien dans notre sentiment. La plupart d'entre nous n'ont, comme moi, connu le livre d'Eugène-Melchior de Vogüé sur le Roman russe qu'après avoir lu Tolstoï; et son admiration nous a paru pâle auprès de la nôtre. M. de Vogüé jugeait surtout en littérateur. Mais nous, c'était trop peu pour nous d'admirer l'œuvre: nous la vivions, elle était nôtre. Nôtre, par sa vie ardente, par sa jeunesse de cœur. Nôtre, par son désenchantement ironique, sa clairvoyance impitoyable, sa hantise de la mort. Nôtre, par ses rêves d'amour fraternel et de paix entre les hommes. Nôtre, par son réquisitoire terrible contre les mensonges de la civilisation. Et par son réalisme, et par son mysticisme. Par son souffle de nature, par son sens des forces invisibles, son vertige de l'infini.

Ces livres ont été pour nous ce que Werther a été pour sa génération: le miroir magnifique de nos puissances et de nos faiblesses, de nos espoirs et de nos terreurs. Nous ne nous inquiétions point de mettre d'accord toutes ces contradictions, ni surtout de faire rentrer cette âme multiple, où résonnait l'univers, dans d'étroites catégories religieuses ou politiques, comme font tels de ceux qui, à l'exemple de Paul Bourget, au lendemain de la mort de Tolstoï, ont ramené le poète homérique de Guerre et Paix à l'étiage de leurs passions de partis. Comme si nos coteries, d'un jour, pouvaient être la mesure d'un génie!... Et que m'importe à moi que Tolstoï soit ou non de mon parti! M'inquiété-je de quel parti furent Dante et Shakespeare, pour respirer leur souffle et boire leur lumière?

Nous ne nous disions point, comme ces critiques d'aujourd'hui: «Il y a deux Tolstoï, celui d'avant la crise, celui d'après la crise; l'un est le bon, et l'autre ne l'est point.» Pour nous, il n'y en a eu qu'un, nous l'aimions tout entier. Car nous sentions, d'instinct, que dans de telles âmes tout se tient, tout est lié.

 

I

Histoire de mon Enfance

Ce que notre instinct sentait, sans l'expliquer, c'est à notre raison de le prouver aujourd'hui. Nous le pouvons, à présent que cette longue vie, arrivée à son terme, s'expose aux yeux de tous, sans voiles et devenue soleil, dans le ciel de l'esprit. Ce qui nous frappe aussitôt, c'est à quel point elle resta la même, du commencement à la fin, en dépit des barrières qu'on a voulu y élever, de place en place,—en dépit de Tolstoï lui-même, qui, en homme passionné, était enclin à croire, quand il aimait, quand il croyait, qu'il aimait, qu'il croyait pour la première fois, et qui datait de là le commencement de sa vie. Commencement. Recommencement. Combien de fois la même crise, les mêmes luttes se sont produites en lui! On ne saurait parler de l'unité de sa pensée—elle ne fut jamais une—mais de la persistance en elle des mêmes éléments divers, tantôt alliés, tantôt ennemis, plus souvent ennemis. L'unité, elle n'est point dans l'esprit ni dans le cœur d'un Tolstoï, elle est dans le combat de ses passions en lui, elle est dans la tragédie de son art et de sa vie.

Art et vie sont unis. Jamais œuvre ne fut plus intimement mêlée à la vie; elle a presque constamment un caractère autobiographique; depuis l'âge de vingt-cinq ans, elle nous fait suivre Tolstoï, pas à pas, dans les expériences contradictoires de sa carrière aventureuse. Son Journal, commencé avant l'âge de vingt ans et continué jusqu'à sa mort[1], les notes fournies par lui à M. Birukov[2], complètent cette connaissance et permettent non seulement de lire presque jour par jour dans la conscience de Tolstoï, mais de faire revivre le monde où son génie a pris racine et les âmes dont son âme s'est nourrie.

Une riche hérédité. Une double race (les Tolstoï et les Volkonski), très noble et très ancienne, qui se vantait de remonter à Rurik et comptait dans ses annales des compagnons de Pierre le Grand, des généraux de la guerre de Sept Ans, des héros des luttes napoléoniennes, des Décembristes, des déportés politiques. Des souvenirs de famille, auxquels Tolstoï a dû quelques-uns des types les plus originaux de Guerre et Paix: le vieux prince Bolkonski, son grand-père maternel, un représentant attardé de l'aristocratie du temps de Catherine II, voltairienne et despotique; le prince Nicolas-Grégorévitch Volkonski, un cousin-germain de sa mère, blessé à Austerlitz et ramassé sur le champ de bataille, sous les yeux de Napoléon, comme le prince André; son père, qui avait quelques traits de Nicolas Rostov[3]; sa mère, la princesse Marie, la douce laide aux beaux yeux, dont la bonté illumine Guerre et Paix.

Il ne connut guère ses parents. Les charmants récits d'Enfance et Adolescence ont, ainsi que l'on sait, peu de réalité. Sa mère mourut quand il n'avait pas encore deux ans. Il ne put donc se rappeler la chère figure, que le petit Nicolas Irténiev évoque à travers un voile de larmes, la figure au lumineux sourire, qui répandait la joie autour d'elle....

Ah! si je pouvais entrevoir ce sourire dans les moments difficiles, je ne saurais pas ce que c'est que le chagrin...[4].

Mais elle lui transmit sans doute sa franchise parfaite, son indifférence à l'opinion et son don merveilleux de raconter des histoires qu'elle inventait.

De son père, il put garder du moins quelques souvenirs. C'était un homme aimable et moqueur, aux yeux tristes, qui vivait sur ses terres, d'une existence indépendante et dénuée d'ambition. Tolstoï avait neuf ans lorsqu'il le perdit. Cette mort lui fit «comprendre pour la première fois l'amère vérité et remplit son âme de désespoir[5]».—Première rencontre de l'enfant avec le spectre d'effroi, qu'une partie de sa vie devait être consacrée à combattre, et l'autre à célébrer, en le transfigurant.... La trace de cette angoisse est marquée en quelques traits inoubliables des derniers chapitres d'Enfance, où les souvenirs sont transposés pour le récit de la mort et de l'enterrement de la mère.

Ils restaient cinq enfants, dans la vieille maison de Iasnaïa Poliana[6], où Léon-Nikolaievitch était né, le 28 août 1828, et qu'il ne devait quitter que pour mourir, quatre-vingt-deux ans après. La plus jeune, une fille, Marie, qui plus tard se fit religieuse (ce fut auprès d'elle que Tolstoï se réfugia, mourant, quand il s'enfuit de sa maison et des siens).—Quatre fils: Serge, égoïste et charmant, «sincère à un degré que je n'ai jamais vu atteindre»;—Dmitri, passionné, concentré, qui plus tard, étudiant, devait se livrer aux pratiques religieuses avec emportement, sans souci de l'opinion, jeûnant, recherchant les pauvres, hébergeant les infirmes, puis soudain se jetant dans la débauche, avec la même violence, ensuite rongé de remords, rachetant et prenant chez lui une fille qu'il avait connue dans une maison publique, et mourant de phtisie à vingt-neuf ans[7];—Nicolas, l'aîné, le frère le plus aimé, qui avait hérité de la mère son imagination pour conter des histoires[8], ironique, timide et fin, plus tard officier au Caucase, où il prit l'habitude de l'alcoolisme, plein de tendresse chrétienne, lui aussi, vivant dans des taudis, partageant avec les pauvres tout ce qu'il possédait. Tourgueniev disait de lui «qu'il mettait en pratique cette humilité devant la vie, que son frère Léon se contentait de développer en théorie».

Auprès des orphelins, deux femmes d'un grand cœur: la tante Tatiana[9], «qui avait deux vertus, dit Tolstoï: le calme et l'amour». Toute sa vie n'était qu'amour. Elle se dévouait sans cesse....

Elle m'a fait connaître le plaisir moral d'aimer....

L'autre, la tante Alexandra, qui servait toujours les autres, et évitait d'être servie, se passait de domestiques, avait pour occupations favorites la lecture de la vie des saints, les causeries avec les pèlerins et avec les innocents. De ces innocents et innocentes, plusieurs vivaient dans la maison. Une d'elles, une vieille pèlerine, qui récitait des psaumes, était marraine de la sœur de Tolstoï. Un autre, Gricha, ne savait que prier et pleurer....

O grand chrétien Gricha! Ta foi était si forte que tu sentais l'approche de Dieu, ton amour était si ardent que les paroles coulaient de tes lèvres, sans que ta raison les contrôlât. Et comme tu célébrais Sa magnificence, quand, ne trouvant pas de paroles, tout en larmes, tu te prosternais sur le sol!...[10]

Qui ne voit la part que toutes ces humbles âmes ont eue à la formation de Tolstoï? Il semble qu'en elles s'ébauche et s'essaye le Tolstoï de la fin. Leurs prières, leur amour ont jeté dans l'esprit de l'enfant les semences de foi, dont le vieillard devait voir se lever la moisson.

Sauf de l'innocent Gricha, Tolstoï, dans ses récits d'Enfance, ne parle point de ces modestes collaborateurs qui l'aidèrent à construire son âme. Mais, en revanche, comme elle transparaît au travers du livre, cette âme d'enfant, «ce cœur pur et aimant, tel un rayon clair, qui découvrait toujours chez les autres leurs meilleures qualités», cette tendresse extrême! Heureux, il pense au seul homme qu'il sache malheureux, il pleure et il voudrait se dévouer pour lui. Il embrasse un vieux cheval, il lui demande pardon de l'avoir fait souffrir. Il est heureux d'aimer, même n'étant pas aimé. Déjà l'on aperçoit les germes de son futur génie: son imagination, qui le fait pleurer, de ses propres histoires; sa tête toujours en travail, qui toujours cherche à penser ce à quoi pensent les gens; sa faculté précoce d'observation et de souvenir[11]; ce regard attentif qui scrute les physionomies, au milieu de son deuil, et la vérité de leur douleur. A cinq ans, il sentit, dit-il, pour la première fois, «que la vie n'est pas un amusement, mais une besogne très lourde[12]».

Heureusement il l'oubliait. En ce temps-là, il se berçait de contes populaires, des bylines russes, ces rêves mythiques et légendaires, des récits de la Bible,—surtout de la sublime Histoire de Joseph, que, vieillard, il donnait encore pour le modèle de l'art,—et des Mille et une Nuits, que, chaque soir, chez sa grand mère, récitait un conteur aveugle, assis sur le rebord de la fenêtre.

 

[1] A part quelques interruptions,—une surtout, assez longue, entre 1865 et 1878.

[2] Pour sa remarquable biographie de Léon Tolstoï: Vie et Œuvre, Mémoires, Souvenirs, Lettres, Extraits du Journal intime, Notes et Documents biographiques réunis, coordonnés et annotés par P. Birukov, revisés par Léon Tolstoï, traduits sur le manuscrit par J.-W. Bienstock,—4 vol. éd. du Mercure de France.

C'est le recueil de documents le plus important sur la vie et l'œuvre de Tolstoï. J'y ai abondamment puisé.

[3] Il fit aussi les campagnes napoléoniennes et fut prisonnier en France pendant les années 1814-1815.

[4] Enfance, chap. II.

[5] Enfance, chap. XXVII.

[6] Iasnaïa Poliana, dont le nom signifie la Clairière claire, est un petit village au sud de Moscou, à quelques lieues de Toula, «dans une des provinces les plus foncièrement russes. Les deux grandes régions de la Russie, dit M. A. Leroy-Beaulieu, la région des forêts et celle des terres de culture s'y touchent et s'y enchevêtrent. Aux environs ne se rencontrent ni Finnois, ni Tatars, ni Polonais, ni Juifs, ni Petits-Russiens. Ce pays de Toula est au cœur même de la Russie.»

(A. Leroy-Beaulieu: Léon Tolstoï, Revue des Deux Mondes, 15 déc. 1910.)

[7] Tolstoï l'a dépeint dans Anna Karénine, sous les traits du frère de Levine.

[8] Il écrivit le Journal d'un Chasseur.

[9] En réalité, elle était une parente éloignée. Elle avait aimé le père de Tolstoï, et elle en avait été aimée; mais, comme Sonia dans Guerre et Paix, elle s'était effacée.

[10] Enfance, chap. XII.

[11] N'a-t-il pas prétendu, dans des notes autobiographiques (datées de 1878), qu'il se rappelait les sensations de l'emmaillotement et du bain d'enfant dans le baquet! (Voir Premiers Souvenirs. Une traduction française en a été publiée dans le même volume que Maître et Serviteur.)

Le grand poète suisse Carl Spitteler a, lui aussi, été doué de cet extraordinaire pouvoir d'évoquer ses images du seuil de la vie. Il a consacré tout un livre (Meine frühesten Erlebnisse) à ses toutes premières années d'enfance.

[12] Premiers Souvenirs.



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Source of the quotationhttp://www.gutenberg.org

Life of Tolstoy (detail) (English)

PREFACE

 

To those of my own generation, the light that has but lately failed was the purest that illumined their youth. In the gloomy twilight of the later nineteenth century it shone as a star of consolation, whose radiance attracted and appeased our awakening spirits. As one of the many—for there are many in France—to whom Tolstoy was very much more than an admired artist: for whom he was a friend, the best of friends, the one true friend in the whole of European art—I wish to lay before this sacred memory my tribute of gratitude and of love.

The days when I learned to know him are days that I shall never forget. It was in 1886. After some years of silent germination the marvellous flowers of Russian art began to blossom on the soil of France. Translations of Tolstoy and of Dostoyevsky were being issued in feverish haste by all the publishing houses of Paris. Between the years ’85 and ’87 came War and Peace, Anna Karenin, Childhood and Youth, Polikushka, The Death of Ivan Ilyitch, the novels of the Caucasus, and the Tales for the People. In the space of a few months, almost of a few weeks, there was revealed to our eager eyes the presentment of a vast, unfamiliar life, in which was reflected a new people, a new world.

I had but newly entered the Normal College. My fellow-scholars were of widely divergent opinions. In our little world were such realistic and ironical spirits as the philosopher Georges Dumas; poets, like Suarès, burning with love of the Italian Renaissance; faithful disciples of classic tradition; Stendhalians, Wagnerians, atheists and mystics. It was a world of plentiful discussion, plentiful disagreement; but for a period of some months we were nearly all united by a common love of Tolstoy. It is true that each loved him for different reasons, for each discovered in him himself; but this love was a love that opened the door to a revelation of life; to the wide world itself. On every side—in our families, in our country homes—this mighty voice, which spoke from the confines of Europe, awakened the same emotions, unexpected as they often were. I remember my amazement upon hearing some middle-class people of Nivernais, my native province—people who felt no interest whatever in art, people who read practically nothing—speak with the most intense feeling of The Death of Ivan Ilyitch.

I have read, in the writings of distinguished critics, the theory that Tolstoy owed the best of his ideas to the French romantics: to George Sand, to Victor Hugo. We may ignore the absurdity of supposing that Tolstoy, who could not endure her, could ever have been subject to the influence of George Sand; but we cannot deny the influence of Jean-Jacques Rousseau and of Stendhal; nevertheless, we belittle the greatness we attribute them to his ideas. The circle of ideas in which art moves and has its being is a narrow one. It is not in those ideas that his might resides, but in his expression of them; in the personal accent, the imprint of the artist, the colour and savour of his life.

Whether Tolstoy's ideas were or were not borrowed—a matter to be presently considered—never yet had a voice like to his resounded throughout Europe. How else can we explain the thrill of emotion which we all of us felt upon hearing that psychic music, that harmony for which we had so long waited, and of which we felt the need? In our opinion the style counted for nothing. Most of us, myself included, made the acquaintance of Melchior de Vogüé's work on the subject of the Russian novel after we had read the novels of Tolstoy; and his admiration of our hero seemed, after ours, a pallid thing. M. de Vogüé spoke essentially as a man of letters pure and simple. But for our part it was not enough to admire the presentation of life: we lived it; it was our own. Ours it was by its ardent love of life, by its quality of youth; ours by its irony, its disillusion, its pitiless discernment, and its haunting sense of mortality. Ours by its dreams of brotherly love, of peace among men; ours by its terrible accusation of the lies of civilisation; ours by its realism; by its mysticism ours; by its savour of nature, its sense of invisible forces, its vertigo in the face of the infinite.

To many of us the novels of Tolstoy were what Werther was to an earlier generation: the wonderful mirror of our passions, our strength, our weaknesses, of our hopes, our terrors, our discouragement. We were in no wise anxious to reconcile these many contradictions ; still less did we concern ourselves to imprison this complex, multiple mind, full of echoes of the whole wide world, within the narrow limits of religious or political categories, as have the greater number of those who have written of Tolstoy in these latter years: incapable of extricating themselves from the conflict of parties, dragging him into the arena of their own passions, measuring him by the standards of their socialistic or clerical coteries. As if our coteries could be the measure of a genius! What is it to me if Tolstoy is or is not of my party? Shall I ask of what party Shakespeare was, or Dante, before I breathe the atmosphere of his magic or steep myself in its light?

We did not say, as do the critics of to-day, that there were two Tolstoys: the Tolstoy of the period before the crisis and he of the period after the crisis; that the one was the great artist, while the other was not an artist at all. For us there was only one Tolstoy, and we loved the whole of him; for we felt, instinctively, that in such souls as his all things are bound together and each has its integral place.

 

CHAPTER I

CHILDHOOD

Our instinct was conscious then of that which reason must prove to-day. The task is possible now, for the long life has attained its term; revealing itself, unveiled, to the eyes of all, with unequalled candour, unexampled sincerity. To-day we are at once arrested by the degree in which that life has always remained the same, from the beginning to the end, in spite of all the barriers which critics have sought to erect here and there along its course; in spite of Tolstoy himself, who, like every impassioned mind, was inclined to the belief, when he loved, or conceived a faith, that he loved or believed for the first time; that the commencement of his true life dated from that moment. Commencement—recommencement! How often his mind was the theatre of the same struggles, the same crises! We cannot speak of the unity of his ideas, for no such unity existed; we can only speak of the persistence among them of the same diverse elements ; sometimes allied, sometimes inimical ; more often enemies than allies. Unity is to be found neither in the spirit nor the mind of a Tolstoy ; it exists only in the internal conflict of his passions, in the tragedy of his art and his life.

In him life and art are one. Never was work more intimately mingled with the artist's life ; it has, almost constantly, the value of autobiography ; it enables us to follow the writer, step by step, from the time when he was twenty-five years of age, throughout all the contradictory experiences of his adventurous career. His Journal, which he commenced before the completion of his twentieth year, and continued until his death,[1] together with the notes furnished by M. Birukov,[2] completes this knowledge, and enable us not only to read almost day by day in the history of Tolstoy's conscience, but also to reconstitute the world in which his genius struck root, and the minds from which his own drew sustenance.

His was a rich inheritance. The Tolstoys and the Volkonskys were very ancient families, of the greater nobility, claiming descent from Rurik ; numbering among their ancestors companions of Peter the Great, generals of the Seven Years' War, heroes of the Napoleonic struggle, Decembrists, and political exiles. This inheritance included family traditions ; old memories to which Tolstoy was indebted for some of the most original types in his War and Peace; there was the old Prince Bolkonsky, his maternal grandfather, Voltairian, despotic, a belated representative of the aristocracy of the days of Catherine II.; Prince Nikolas Grigorovitch Volkonsky, a cousin of his mother, who was wounded at Austerlitz, and, like Prince Andrei, was carried off the field of battle under the eyes of Napoleon ; his father, who had some of the characteristics of Nicolas Rostoff;[3] and his mother, the Princess Marie, the ugly, charming woman with the beautiful eyes, whose goodness illumines the pages of War and Peace,

He scarcely knew his parents. Those delightful narratives, Childhood and Youth, have, therefore, but little authenticity ; for the writer's mother died when he was not yet two years of age. He, therefore, was unable to recall the beloved face which the little Nikolas Irtenieff evoked beyond a veil of tears : a face with a luminous smile, which radiated gladness. . . .

"Ah ! if in difficult moments I could only see that smile, I should not know what sorrow is."[4]

Yet she doubtless endowed him with her own absolute candour, her indifference to opinion, and her wonderful gift of relating tales of her own invention.

His father he did in some degree remember. His was a genial yet ironical spirit; a sad-eyed man who dwelt upon his estates, leading an independent, unambitious life. Tolstoy was nine years old when he lost him. His death caused him "for the first time to understand the bitter truth, and filled his soul with despair."[5] Here was the child's earliest encounter with the spectre of terror; and henceforth a portion of his life was to be devoted to fighting the phantom, and a portion to its celebration, its transfiguration. The traces of this agony are marked by a few unforgettable touches in the final chapters of his Childhood, where his memories are transposed in the narrative of the death and burial of his mother.

Five children were left orphans in the old house at Yasnaya Polyana.[6] There Leo Nikolayevitch was born, on the 28th of August, 1828, and there, eighty-two years later, he was to die. The youngest of the five was a girl: that Marie who in later years became a religious; it was with her that Tolstoy took refuge in dying, when he fled from home and family. Of the four sons, Sergius was charming and selfish, "sincere to a degree that I have never known equalled"; Dmitri was passionate, self-centred, introspective, and in later years, as a student, abandoned himself eagerly to the practices of religion; caring nothing for public opinion; fasting, seeking out the poor, sheltering the infirm; suddenly, with the same quality of violence, plunging into debauchery; then, tormented by remorse, ransoming a girl whom he had known in a public brothel, and receiving her into his home; finally dying of phthisis at the age of twenty-nine.[7] Nikolas, the eldest, the favourite brother, had inherited his mother's gift of imagination, her power of telling stories;[8] ironical, nervous, and refined; in later years an officer in the Caucasus, where he formed the habit of a drunkard; a man, like his brother, full of Christian kindness, living in hovels, and sharing with the poor all that he possessed. Tourgenev said of him" that he put into practice that humble attitude towards life which his brother Leo was content to develop in theory."

The orphans were cared for by two great-hearted women, one was their Aunt Tatiana,[9] of whom Tolstoy said that she had two virtues: serenity and love." Her whole life was love; a devotion that never failed.

"She made me understand the moral pleasure of loving."

The other was their Aunt Alexandra, who was for ever serving others, herself avoiding service, dispensing with the help of servants. Her favourite occupation was reading the lives of the Saints, or conversing with pilgrims or the feeble-minded. Of these "innocents" there were several, men and women, who lived in the house. One, an old woman, a pilgrim, was the godmother of Tolstoy's sister. Another, the idiot Gricha, knew only how to weep and pray...

"Gricha, notable Christian! So mighty was your faith that you felt the approach of God; so ardent was your love that words rushed from your lips, words that your reason could not control. And how you used to celebrate His splendour, when speech failed you, when, all tears, you lay prostrated on the ground!"[10]

Who can fail to understand the influence, in the shaping of Tolstoy, of all these humble souls? In some of them we seem to see an outline, a prophecy, of the Tolstoy of later years. Their prayers and their affection must have sown the seeds of faith in the child's mind; seeds of which the aged man was to reap the harvest.

With the exception of the idiot Gricha, Tolstoy does not speak, in his narrative of Childhood, of these humble helpers who assisted in the work of building up his mind. But then how clearly we

see it through the medium of the book—this soul of a little child; "this pure, loving heart, a ray of clear light, which always discovered in others the best of their qualities"—this more than common tenderness! Being happy, he ponders on the only creature he knows to be unhappy; he cries at the thought, and longs to devote himself to his good. He hugs and kisses an ancient horse, begging his pardon, because he has hurt him. He is happy in loving, even if he is not loved. Already we can see the germs of his future genius; his imagination, so vivid that he cries over his own stories; his brain, always busy, always trying to discover of what other people think; his precocious powers of memory[11] and observation; the attentive eyes, which even in the midst of his sorrow scrutinise the faces about him, and the authenticity of their sorrow. He tells us that at five years of age he felt for the first time "that life is not a time of amusement, but a very heavy task."[12]

Happily he forgot the discovery. In those days he used to soothe his mind with popular tales; those mythical and legendary dreams known in Russia as bylines; stories from the Bible; above all the sublime History of Joseph, which he cited in his old age as a model of narrative art: and, finally, the Arabian Nights, which at his grandmother's house were recited every evening, from the vantage of the window-seat, by a blind story-teller.

 

1 With the exception of a few interruptions : one especially of considerable length, between 1865 and 1878.

2 For his remarkable biography of Léon Tolstoï: Vie et Œuvre, Mémoires, Souvenirs, Lettres, Extraits du Journal intime, Notes et Documents biographiques réunis, coordonnés et annotés par P. Birukov, revised by Leo Tolstoy, translated into French 4 vol. éd. du Mercure de France by J. W. Bienstock.

3 He also fought in the Napoleonic campaigns, and was a prisoner in France during the years 1814-15.

4 Childhood, chap. ii.

5 Childhood, chap. xxvii.

6 Yasnaya Polyana, the name of which signifies "the open glade" (literally, the "light glade"), is a little village to the south of Moscow, at a distance of some leagues from Toula, in one of the most thoroughly Russian of the provinces. " Here the two great regions of Russia," says M. Leroy-Beaulieu, "the region of the forests and the agricultural region, meet and melt into each other. In the surrounding country we meet with no Finns, Tatars, Poles, Jews, or Little Russians. The district of Toula lies at the very heart of Russia."

7 Tolstoy has depicted him in Anna Karenin, as the brother of Levine.

8 He wrote the Diary of a Hunter.

9 In reality she was a distant relative. She had loved Tolstoy's father, and was loved by him; but effaced herself, like Sonia in War and Peace.

10 Childhood, chap. xii.

11 He professes, in his autobiographical notes (dated 1878), to be able to recall the sensations of being swaddled as a baby, and of being bathed in a tub. See First Memories.

12 First Memories.



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