Avec les mêmes yeux, le même abattement,
Celui de ce temps-là voyait mourir la ville.
Qu'écrire sur un mur pour qu'il ne se détruise:
L'anathème ou le ciel à celui qui lira?
Sur la chair de ce jour, des initiales saignent.
Un couteau dessinait son amour dans un coeur;
On lisait dans le sein des animaux le règne
Et la destruction d'aruspices moqueurs.
Peuple-roi, chaque fable est l'orgueil de durer
Fondé sur un seul nom pour que dure un empire.
J'honore mes démons, je réponds à mes signes,
J'ai le dieu tutélaire et les guerres puniques.
Responsable de rien si ce n'est d'un visage
Que le temps vient sculpter à l'inverse de moi,
Je regarde la ride où passeront les larmes,
Autant de légions luttant pour un seul roi.
Voyageur, ton couteau s'émousse sur les arbres;
Dieu s'attaque à la terre et Moïse au rocher.
Si tu dictes la loi qui détruira la fable,
La naissance du chant brise tes épopées.
Scribe accroupi, vieux scribe écrivant ton message
Ou gaulois retirant ton épine du pied,
S'il faut marquer d'une oeuvre éternelle un passage,
Choisit-on l'illusoire ou le corps désarmé?
Choisit-on le silex ou la main de l'apôtre,
Le geste qui désarme ou celui qui bénit.
Qu'écrire sur un mur qui tremble dans l'aurore?
J'écris sur le visible un seul mot que j'invente,
Je dédie à ma langue un vocable de plus;
Demain le comprendra si le temps le cimente.
Par les siècles remplis, ce mot porteur de rides
Sur un mur ébranlé répétera ma main.
Aux frontières du jour, je dédie un seul signe
Que je ne connais pas mais qui vivra demain.
Le coeur du roc fermé sur un brin d'herbe
Cache le jour aux géants qui l'observent.
