This website is using cookies

We use cookies to ensure that we give you the best experience on our website. If you continue without changing your settings, we'll assume that you are happy to receive all cookies on this website. 

The page of Vigny, Alfred de, French biography

Image of Vigny, Alfred de
Vigny, Alfred de
(1797–1863)
 

Biography

Alfred Victor, comte de Vigny naît à Loches, en Touraine, le 27mars 1797 dans une famille d'ancienne noblesse; son éducation est fortement marquée par le culte des valeurs aristocratiques et militaire. Après la tourmente révolutionnaire, qui les laisse ruinés, les Vigny s'installent à Paris.
À sa naissance, son père, ancien officier vétéran de la guerre de Sept Ans, est âgé d'une soixantaine d'années et quasi infirme à cause d'anciennes blessures. Son grand-père maternel, marquis de Baraudin, a servi dans la marine royale comme chef d’escadre.
Sa mère, fille d'un officier de marine, est près d'une trentaine d'années plus jeune que son mari. Le couple, mal assorti, a déjà eu trois enfants morts en bas âge avant Alfred, qui voit le jour dans un climat triste où pèse le voile nostalgique de la monarchie: son père lui fait embrasser chaque soir la croix de Saint Louis.
Enfant de santé délicate, Vigny est élevé avec une inquiète tendresse par une mère attentive qui a lu Rousseau. Elle inculque à son fils unique une religion tout intérieure, le goût de la musique et de la peinture plutôt que des belles-lettres. Mais au lycée Bonaparte, où il prépare, sans persévérance, le concours d’entrée à l’École polytechnique, l’adolescent Vigny nourrit une fierté ombrageuse de sa noblesse et des exploits de ses ancêtres. Grisé par la gloire de l'Empire, il conçoit «un amour désordonné de la gloire des armes», commun à beaucoup d’«enfants du siècle».
À la chute de l'Empire en 1814, Alfred de Vigny, conformément à sa naissance, attaché à la monarchie par tradition, entre avec le grade de sous-lieutenant dans les compagnies rouges des mousquetaires du roi ou Gendarmes du roi. Son plus brillant fait de guerre se limite cependant à escorter, pendant les Cent-Jours sur la route de l’exil, la calèche de Louis XVIII fuyant le retour de Napoléon en 1815. Il entre alors dans sa dix-huitième année. Pendant dix ans, officier dans la garde en 1816, il mène la vie de garnison, monotone et sans éclat et, s'il prend part à l'expédition d'Espagne (1823), il n'a pas l'occasion de combattre. Le métier des armes, exercé non sur des champs de bataille mais dans des cours de caserne, déçoive le jeune officier, qui lui préfére l’aventure d’une carrière littéraire. Il donne sa démission de capitaine en 1827.
Il tire profit du temps libre que lui laisse la vie militaire pour lire – notamment Byron – et faire ses débuts dans la carrière des lettres. En 1820, il est introduit au sein du Cénacle, groupe littéraire qui s'attache à définir les idées du romantisme naissant. Il publie son premier poème, Le Bal. Il se lie d'amitié avec Victor Hugo, qui fait paraître ses premiers poèmes dans sa revue, le Conservateur littéraire, dès 1822. C'est par un poème philosophique, Eloa ou la Soeur des anges (1824), qu'Alfred de Vigny est révélé au grand public. Les revues et les salons de la capitale saluent la naissance de ce poète qui allie à la grâce de Chénier une fermeté déjà originale et une profondeur bien romantique.
Après avoir quitté l'armée en 1827, Vigny s'installe définitivement à Paris, où il publie coup sur coup Poèmes antiques et modernes (1826, complété en 1837), recueil qui réunit ses poèmes publiés en revue, et Cinq-Mars (1826), roman historique qui devint très populaire, que Walter Scott admira et dont la quatrième édition (1829) devait s’enrichir des très pertinentes Réflexions sur la vérité dans l’art. Hugo lui-même écrivit dans la Quotidienne du 30 juillet 1826 un article élogieux sur ce roman «admirable»: «La foule le lira comme un roman, le poète comme un drame, l'homme d'État comme une histoire.»
Admirateur de Shakespeare, Vigny s’efforce d’imposer à Paris, contre les préjugés de la jeunesse libérale dénoncés par Stendhal, le grand dramaturge en traduisant en vers quelques-unes de ses pièces, notamment Othello, le More de Venise, qui est représenté à la Comédie-Française le 24 octobre 1829, avec Mlle Mars dans le rôle de Desdémone, puis Shylock, qui ne fut pas monté.
Lui-même se lance bientôt dans la carrière dramatique et, après quelques essais, une pièce historique, la Maréchale d'Ancre (1831) et un proverbe Quitte pour la peur (1833), il rencontre le succès avec Chatterton (1835). Représentée à la Comédie-Française, la pièce est interprétée entre autres par Marie Dorval, maîtresse de Vigny, qui est très applaudie dans le rôle de Kitty Bell. La pièce reprend le thème d'un roman philosophique, Stello, que Vigny a écrit trois ans plus tôt et dans lequel il développe l'idée du poète «paria» de la société moderne. C'est également ce thème que le poète développe dans Servitude et Grandeur militaires (1835) en racontant l'histoire d'un officier placé entre sa conscience d'homme et son devoir de soldat.
Pendant toutes ces années, Vigny parait être un écrivain et un homme heureux. Lamartine, son aîné, l’assure de son estime. Hugo et Sainte-Beuve le traitent en ami, bien qu’il se tienne à l’écart du Cénacle romantique. Il forme quelque temps avec la blonde Delphine Gay, «Muse de la patrie», un couple séduisant, avant d’épouser, en février 1826, Lydia Benbury, une jeune Anglaise rencontrée à Oloron et qui passe pour une riche héritière.
Cependant, à partir de 1830, Vigny s’assombrit. La révolution de Juillet l’oblige à prendre conscience d’un pessimisme politique que les erreurs répétées des gouvernements de la Restauration ont éveillé en lui et qui perce dans Cinq-Mars. Il ne lui reste plus, pour vider la coupe du scepticisme, qu’à douter de l’amour humain. C’est la leçon qu’il tire suite à la mort de sa mère, à sa rupture avec Marie Dorval (1837) et aux brouilles successives avec ses anciens amis du Cénacle.
Vigny se replie alors dans une amère solitude. Il en sort néanmoins pour briguer un siège à l'Académie française, entreprise où il rencontre de sérieuses oppositions. C'est seulement après cinq candidatures malheureuses qu'il finit par y être élu, en 1845.
S'étant progressivement rapproché des valeurs républicaines, Alfred de Vigny s'enthousiasme pour la révolution de 1848 et espére jouer un rôle politique dans la IIe République. Le peu de voix recueillies par sa candidature de député en Charente lui apportent une nouvelle désillusion.
Il se retire alors à la campagne, où il vit jusqu'en 1863 pour y soigner sa femme devenue infirme: elle meurt en 1862. Avant de quitter ce monde, qu’il compare à une prison, le solitaire du Maine-Giraud reçoit la consolation d’un dernier amour. Il vient de dépasser la soixantaine. Alors qu’il soigne Lydia avec le dévouement d’un «frère hospitalier» et qu’il commence à souffrir lui-même d’un cancer de l'estomac, il obtient les faveurs d’une jeune préceptrice, rencontrée peut-être dans le salon de Louise Colet, Augusta Bouvard. En la personne de sa compagne il reconnut l’Eva de ses rêveries.
Mais il lui faut bientôt lui dire adieu. Il revient à Paris, compose quelques poèmes et rédige des notes sur sa vie qui sont recueillies dans Journal d'un poète (posthume, 1867). Vigny meurt à Paris le 17 septembre des suites de son cancer, moins d’un an après Lydia, dont il n’a pas eu de descendance. Le 28 octobre, Augusta met au monde un fils auquel certains vers de «L’Esprit pur», achevé le 10 mars, semblent destinés.
Vigny laisse, entre les mains de son exécuteur testamentaire, Louis Ratisbonne, et de sa filleule, Louise Lachaud, née Ancelot, de nombreux et précieux inédits. La publication des «Destinées» (onze poèmes philosophiques, 1864), du Journal d’un poète (réflexions intimes de Vigny, 1867), de Daphné (récit inachevé édité par Fernand Gregh, 1912) et ses Mémoires (inédit, 1958) permettent de percer les secrets d’un long silence que Vigny n'interromput que par la publication, dans La Revue des Deux Mondes, de quelques «poèmes philosophiques»: «La Sauvage», «La Mort du loup» et «La Flûte» (1843), «Le Mont des Oliviers» et «La Maison du Berger» (1844), «La Bouteille à la mer» (1854).
Il apparaît aujourd’hui que la retraite au Maine-Giraud ne cache ni une démission de l’homme ni une défaillance de l’artiste. Le Journal d'un poète retrace toute l’évolution intime du solitaire. Poète, romancier et auteur dramatique, Vigny est l'une des figures marquantes du romantisme en France. Son oeuvre se caractérise par un pessimisme fondamental, qui se fit de plus en plus prégnant au cours de sa vie et de sa production. Sa vision désenchantée de la société va de pair avec un thème qu'il développe à plusieurs reprises, celui du «paria». Empruntant les traits tantôt du poète, tantôt du noble, parfois aussi du soldat, ce dernier est toujours un avatar de Vigny lui-même. S'il a recours à des procédés et à des formes classiques en matière de versification, il se montre novateur en revanche dans l'utilisation qu'il fit des symboles – notamment des symboles bibliques –, qui annonce la modernité poétique de la fin du siècle. Il a su inventer, à défaut d’une religion épurée, une poésie nouvelle, dépouillée de l’éloquence ou du pittoresque de ses premiers chants. Rare, parfois austère, elle s’anime dans le chef-d’oeuvre des Destinées, «La Maison du Berger».
Vigny, muré, dès la quarantaine, dans le silence, ne connait pas la gloire que ses succès littéraires semblent lui promettre. Mais qui contesterait l’heureux résultat de l’ascèse que Vigny s’imposa? Plusieurs des symboles qu’il chargea de «profondes pensées»: la Mort du loup, la Maison du Berger, la Bouteille à la mer, figurent dans la fable moderne. Il ne s’adressa pas vainement à la postérité, en lui destinant, comme le naufragé qui jette «la bouteille à la mer», une oeuvre mieux faite pour durer que pour plaire: «Flots d’amis renaissants! Puissent mes destinées vous amener à moi, de dix en dix années, attentifs à mon oeuvre, et pour moi c’est assez!». Ce voeu formé par le poète dans ses derniers vers qu’il trouva la force de scander s’est accompli: au cours de sa destinée posthume, il pâtit beaucoup moins que Lamartine, Hugo ou Musset du discrédit jeté sur le romantisme par toute une culture positiviste.
Dans chacune des générations qui suivirent la sienne, des fidèles recueillirent son message et perpétuèrent son souvenir; au fur et à mesure qu'on se fatiguait de la grandiloquence et de la surabondance de Victor Hugo, certains esprits (Leconte de Lisle, Anatole France) trouvaient en Vigny un penseur plus profond et un poète plus rare. On découvrait dans ses vers des accents qui annonçaient Baudelaire, dont il avait reconnu le génie, et la poésie moderne avec Henri de Régnier, Charles Péguy, André Breton.

http://www.anthologie.free.fr
Literature ::
Translation ::

minimap