Depestre, René: Lost islands (Les îles perdues Angol nyelven)
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Les îles perdues (Francia)Il y a tant d'îles perdues aux Caraïbes. Je ne perds pas le compte de leurs semences. Je les reconnais aux tatouages que l'infamie a laissés sur leur triste dos américain. Elles ont toutes vécu des siècles sur la croix.
Ces îles disposées en arc ont de bonnes flèches pour le bonheur des touristes : plats épicés, rhum toujours doré ananas, oranges,.mangues, goyaves meringué, laghia, calypso, bel-air flamboyants et bougainvillées combats de coqs, carnaval vaudou et folklore à chaque pas et des femmes qui sont les voiliers des derniers jardins de la volupté.
Nos îles n'ont pas de noms yorubas ou bantous ce sont des chemins sans papiers d'identité : île où le volcan racial entre en éruption île où ¡'alphabet ne prend jamais terre île qui se rase avec un tesson de bouteille île qui exporte et son sang et ses secrets île à la tête égarée sur l'épaule d'autrui.
Une fois, bien des années avant la mort de mon corps j'étais mort dans mon esprit j'étais allongé, raide mort dans mes rêves à la dérive une de ces îles soudain me rendit mon état de poésie.
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Lost islands (Angol)There are so many islands lost in the Caribbean. I do not lose count of their seeds. I recognize them in the tattoos that infamy has left on their weary American backs. They have all lived centuries on the cross.
These isles disposed in the shape of a bow have fine arrows for the pleasure of tourists: spicy dishes, ever golden rum, pineapples, oranges, mangoes, guava, meringué, laghia, calypso, bel-air, flamboyant trees and bougainvillea cock-fighting, carnival, voodoo and folklore at every turn and women who are the sailing ships of the last gardens of delight.
Our isles have no Yoruba or Bantu names they are paths without identity papers: isle where the racial volcano erupts isle where the alphabet never goes ashore isle which shaves with a shard of broken bottle isle which exports both its blood and its secrets isle with its head astray on the shoulder of others.
Once, many years before the death of my body I was dead in my spirit I was prostrate, stone dead in my drifting dreams one of these isles suddenly restored to me my state of poetry.
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