Cadiot, Olivier: Pourquoi je deviens un saint
Pourquoi je deviens un saint (French)J’avais installé sous l’arbre une sorte d’auvent fait de planches sous lequel étaient dressés une table et un lit de corde qui me servaient à venir travailler l’été face au canal de dérivation qui descendait du lac et à surveiller en même temps les lignes de fond tendues à l’endroit où l’eau douce rencontrait l’eau salée et où pullulait une sorte d’anguille blanche dont je capturais les alevins que je faisais grandir. Plus de ciel Et je fermais les yeux Le soir je devais continuer à faire le plan de l’île—préparatoire à la maquette en volume—en utilisant des hachures dont l’espacement est en raison inverse de la rapidité des pentes est égal au quart de la distance entre deux courbes consécutives comme j’avais appris à le faire à. Tout en dessinant je me rendais compte que je devenais de plus en plus contemplatif. C’est par ennui qu’X devient un saint, par pur désoeuvrement, mais ça c’est encore «pourquoi il devient un saint » pas « comment». Et depuis quand? Il est certain que si l’on mesure une côte accidentée il faut savoir s’arrêter sinon on doit tenir compte de l’angle d’un caillou ou de la disposition d’un grain de sable. Le saint Dans ma cellule à écrire—relire—consulter—sur l’estrade en forme de maison surélevée—avec les hautes fenêtres de l’espace contenant—le lion arrêté sur le carrelage—le paon inactif et la perdrix absente—les oiseaux zébrant les fenêtres en haut—pâle jour autour—moi logé dans l’espace en bois ingénieux—comme rangé dans un bureau—écrivant dans un meuble—pensant dans les tiroirs—tout autour noir—le lion au fond gambadant sur le carrelage. La perdrix absente et le paon inactif.
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