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Cahun, Claude: Sadistic Judith (La Sadique Judith in English)

Portre of Cahun, Claude

La Sadique Judith (French)

Qui était Judith

Elle s’était fait en haut de sa maison
une chambre secrète où elle demeurait
enfermée…
 
Et, ayant un cilice sur les reins, elle
jeûnait tous les jours de sa vie, hors les
jours de sabbat…

Discours de Judith au Peuple

Je ne veux point que vous vous mettiez
en peine de savoir ce que j’ai dessein
de faire…
 
Mais ceux… qui ont témoigné leur
impatience… ont été exterminés par
l’ange exterminateur, et ont péri par les
morsures des serpents.

C’est pourquoi ne témoignons point
d’impatience…
 
Mais considérons que ces supplices
sont encore beaucoup moindres que nos
péchés…

Discours de Judith à Holopherne

Tout le monde publie que vous êtes le
seul dont la puissance…
 
Et votre discipline militaire est louée
dans tous les pays.

(Livre de Judith—VIII et IX )

À Erich von Stroheim

« Il faut croire qu’il méprise les femmes, et ne s’en cache point (car lui-même laisse dire) ; qu’il est grossier, tel que seul un guerrier peut l’être. Après qu’il a
baisé son esclave il s’essuie furtivement la lèvre. Il n’ôte point ses vêtements de peur de souiller de son corps plus qu’il n’est indispensable. Les nuits d’amour, la pourpre dans laquelle il se vautre, symboliquement teinte du venin rouge des victimes, ses bottes la maculent, du haut en bas y traînent, selon la saison, la poussière ou la boue des chemins, ou pire. Mais dès le chant du coq, il prend un bain, met la fille à la porte — et fait changer les draps (la soie, le sang figé des draps).
«On dit aussi qu’il est le plus laid des hommes; et ceux qui craignent qu’il ne séduise leurs servantes assurent qu’il ressemble à un porc.
Mais je l’ai vu, tandis que son armée victorieuse défilait devant nos portes closes, car (ayant silencieusement égorgé mon chien dont l’agitation me gênait) j’ai pu regarder par le trou de la serrure :
«Que me plaît ce front fuyant, ces yeux morts, si lents — des yeux petits, étroits, aux paupières énormes; ce menton charnu mais point trop saillant ; cette
bouche bestiale aux lèvres sensuelles, mais de la même peau, semble-t-il, que le reste du visage — bouche dont la fente, la gueule seule est admirablement dessinée, expressive, et dès qu’elle s’ouvre en demi-couronne, sombre, met en valeur les canines taillées en pointe comme les ongles de Judith !
«Ah! surtout, que me plaisent ces oreilles en éventail, cette nuque au poil court — et la superbe verticale du crâne au cou, s’il penche la tête en arrière,
brisée par des plis de reptile ! Je les aime parce que j’y reconnais les caractères distinctifs, odieux, de la race ennemie.
«Une femme est en marche. — Vers le camp du vainqueur!...
«Un oiseau sans ailes, un tout petit tombé du nid est à mes pieds. Je m’agenouille (il est vivant !), je le tiens dans ma main : ‘‘Il est un duvet plus tendre, cher
coeur affolé, douceur, douceur sans défense, plus tendre que le ventre de ta mère, que les brins de mousse rousse et de soies réunis par ses soins…’’ Le voilà
presque rassuré, plus chaud que mon aisselle fiévreuse. Je le tiens sous mon bras serré — ô caresse de ses plumes naissantes !... — En route !... et je serre un peu davantage — pour qu’il ne tombe pas, pour le sentir contre ma chair brûler, se refroidir, pour un spasme — et qu’il meure !...
« C’est d’un mauvais présage. — Dégoût!... Pourquoi dégoût? La vie serait donc si propre, plus propre que la mort ? Au moins c’est un cadavre qui n’est pas encombrant.
« Serai-je de force à le porter tout entier — l’autre — ou faudra-t-il dépecer, choisir les meilleurs morceaux?...
«—Oh! je me suis fait peur! Rien n’est accompli pourtant ; je pensais cela… pour plaisanter.
« . . . Suis-je vraiment condamnée, criminelle depuis l’enfance, à détruire tout ce que j’aime ? Non : il empêchera le sacrifice infâme. N’est-il pas mon élu parce qu’il est le plus fort ? — Barbare ! asservis-moi ; ne me livre d’abord que le plus vulgaire de ton corps, ce que j’ai le moins appris à chérir. Prends bien garde à cette bouche, à cette nuque, à ces oreilles — à tout ce qui peut se mordre, se déchirer, se sucer jusqu’à l’épuisement de ton sang étranger — délicieux.
« C’est ta faute ! Pourquoi ne m’as-tu pas devinée ? Pourquoi ne m’as-tu pas livrée aux bourreaux? Je t’aimerais encore, je fusse morte heureuse. Je te voulais vainqueur et tu t’es laissé vaincre !...
«À quoi bon ces reproches ? Il ne m’écoute pas, il ne peut pas m’écouter…
«À moi seule : Pourquoi l’avoir vaincu ? (Ai-je donc voulu cesser de t’aimer, Holopherne?) — Puérile, ô puérile !... Pourquoi manger? La question ne se pose
qu’alors qu’on n’a plus faim…
«Et voici mes frères ! Ceux-là n’ont rien à craindre, car ils me font horreur. Patrie, prison de l’âme ! Enfermée, moi du moins j’ai su voir les barreaux, et
même entre les barreaux… »
Le Peuple d’Israël acclame Judith.
Mais elle, d’abord plus étonnée qu’un enfant qu’on maltraite, se laisse porter en triomphe — comme endormie. Bientôt elle se réveille, ivre de rire et d’insolence, et dressée sur le socle de chair humaine elle s’écrie :
«Peuple ! qu’y a-t-il ae commun entre toi et moi? Qui t’a permis de pénétrer ma vie privée ? de juger mes actes et de les trouver beaux? de me charger (moi si
faible et si lasse, leur éternelle proie) de ta gloire abominable? »
Mais ses paroles ne furent point comprises, ni même entendues. La joie d’une foule a mille bouches — et pas d’oreilles.
 



Uploaded byP. T.
Source of the quotationhttp://irc.sunchat.hu/vers/

Sadistic Judith (English)

Who Was Judith

She had made atop her house a secret
room where she remained closed
in…
 
And with a hair shirt over her body,
she fasted every day of her life, except
for the Sabbath…

Judith’s Speech to the People

I don’t want you to try to know
what I mean to do…
 
But those… who showed their
impatience… were exterminated by
the exterminating angel, and perished
from the bites of serpents.

So let’s not show any impatience...
 
But let’s consider that these tortures
are still less than our sins…

Judith’s Speech to Holofernes

Everyone says that you are the only
one who has power…
 
And your military discipline is
praised in all countries.

(Book of Judith VIII and IX)

To Erich von Stroheim

‘‘We have to believe that he despises women, and doesn’t hide it (for he himself lets it be known); that he is vulgar, as only a warrior can be. After making love to his slave he furtively wipes his lips. He doesn’t take off his clothes for fear of soiling his body more than necessary. On the nights of love, his boots spot the purple in which he wallows, symbolically dyed with the red venom of his poisons, and from top to bottom, the dust or the mud of the paths or worse
trail across it, depending on the season. But at cockcry, he takes a bath, sends the girl away — and has the sheets changed (the silk, the blood coagulated on
them).
‘‘They also say that he is the ugliest of men; and those who fear he will seduce their servants swear he looks like a pig.
But I have seen him, while his victorious army was parading before our closed doors, for (having silently slit the throat of my dog, whose excitement bothered me), I could see through the keyhole:
‘‘How pleasing I find this receding forehead, these dead eyes, so slow—little eyes, narrow ones, with enormous eyelids; this fleshy chin not too prominent;
this animal mouth with its sensual lips, of the same skin, it seems, as the rest of his face — his mouth whose split, whose muzzle is admirably drawn, expressive, and as soon as it half-opens, so darkly, it shows the canines filed to a point like Judith’s nails!
‘‘Ah, above all, how I love those ears fanning out, this nape of the neck with its short hair — and the superb vertical line from the skull to the neck, when he
leans his head backwards, broken with reptilian pleats! I love them because I recognize in them the distinctive, odious traits of the enemy race.
‘‘A woman is walking. — Towards the victor’s camp!...
‘‘A wingless bird, a tiny little one fallen from his nest is at my feet. I kneel down (he is living!), I hold him in my hand: ‘There is a comforter softer, dear
panicked heart, sweetness, defenseless sweetness, softer than your mother’s stomach, than the bits of reddish moss and silks she gathered…’ Now he’s almost reassured, warmer than my feverish armpit. I hold him under my arm clasped to my side — oh caress of his nascent feathers!... Let’s start off!... and I hold him a little more tightly — so he won’t fall, so I’ll feel him burning against my flesh, growing cold, for a final spasm — and dying!—
‘‘That’s a bad omen. — Disgust!... Why disgust? So life is that clean, cleaner than death? At least this corpse doesn’t take up much space.
‘‘Shall I have the strength to carry him whole — the other one — or will it be better to cut him into pieces, to choose the best bits?...
‘‘Oh! I frightened myself ! Nothing has been accomplished; I was thinking that… as a joke.
‘‘…Have I really been a criminal from childhood, condemned to destroy everything I love? No: he will prevent the infamous sacrifice. Isn’t he my chosen
one because he is the strongest? — Barbarian! enslave me; deliver to me first just the most vulgar part of your body, the one I’ve learned to cherish the least. Watch out for this mouth, this nape, these ears — for everything that can be bitten, torn, sucked until your foreign blood is exhausted — delicious.
‘‘It’s your fault! Why didn’t you find me out? Why didn’t you turn me over to the executioners? I would still love you, I would have perished happy. I want you to be the victor and you left yourself be conquered!...
‘‘What’s the point of all this reproach? He isn’t listening to me, he can’t listen to me…
‘‘For myself alone: Why did I vanquish him? (Have I then stopped loving you, Holofernes?) — Childish, oh childish!... Why do we eat? We only ask the
question when we aren’t hungry any longer…
‘‘And now my brothers! Those have nothing to fear, for they strike me with horror. Countryland, prison of the soul! Imprisoned, at least I knew how to see
the bars, and even between the bars …’’
The People of Israel acclaim Judith.
But she, at first more astonished than a mistreated child, lets herself be carried in triumph — as if she were asleep. Soon she wakes, drunk with laughter and
insolence, and standing on the stump of human flesh she cries:
‘‘People! what is there in common between you and me? Who allowed you to penetrate my private life! to judge my acts and find them beautiful? to load me
down (me so feeble and so tired, their eternal prey) with your abominable glory?’’
But her words were not understood, or even heard. The joy of a crowd has a thousand mouths — and no ears.
 



Uploaded byP. T.
Source of the quotationhttp://www.scribd.com

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