Étendue sur le grill.
Pieds et poings liés.
Pomme en bouche comme un porc.
On allume.
Les premières flammes s’élèvent,
me lèchent les cheveux,
puis s’étouffent.
On souffle sur les bûches,
jette de l’huile sur le feu.
Je brûle.
Des cendres
de paupières
s’envolent.
Je vois tout.
Un parfum de fumée
dans la gorge.
Ma mâchoire craque.
Pas d’eau pour boire
ni pour un bain.
Des ombres
affamées rôdent.
Je tremble.
Ils ont humé ma chair,
cherchent ma carcasse.
Ils vont me dépecer,
me manger pour dîner.
On m’offre en sacrifice à la postérité.
Leurs dents
s’enfoncent dans mes cuisses.
Bouchées saignantes
de quadriceps.
Je les entends
mastiquer, m’avaler.
Je ne sens rien
mais je vois tout.
Ils me croient morte.
Aux innocents la bouche pleine.
L’un m’arrache la langue,
un autre me croque une oreille,
un troisième plonge la main
dans ma poitrine.
Mon cœur.
Battait-il encore
quand on l’a arraché?
Une petite main avide
aux ongles sanguinolents
se tend vers mon visage.
Je ne vois plus rien.
On a mangé mes yeux.
Je ne vois rien
mais je sais tout.
Mon sang sèchera au soleil.
Mes os iront aux chiens.
Et ma poussière, à la poussière.